Redécouvrir Molière à vélo

2022 marque les 400 ans de la naissance d’un des génies de la littérature française… Mais connaissez-vous bien Molière, les petits secrets de son existence ? Ce mois-ci, direction la comédie sous Louis XIV ! Car oui, on ne l’écrira jamais assez : rire rend la vie plus belle, tout comme pédaler !

Station de départ : Station n°6013 Jacques Callot – Mazarine

Station d’arrivée : Station n°1013 Place du Palais Royal

Distance parcourue : env. 4 km

Durée de la balade : env. 1 h 30 – pas de dénivelé particulier. Attention : ce parcours en ville emprunte des voies partagées avec les bus et les taxis ainsi que des pistes cyclables allant à contre-sens de la circulation. Évitez donc les heures de pointe et soyez particulièrement vigilant.e à votre environnement lors de ces étapes !

 

Sortez de la station et descendez la rue pour rejoindre la rue de Seine. Remontez-la vers les quais, arrêtez-vous à l’angle avec la rue de Mazarine, au n°10.

 

Les débuts de Molière à l’Illustre Théâtre

© Plaque apposée au n° 12 de la rue Mazarine, Paris 6e, Wikicommons.

 

Jetez un œil sur la plaque “Ici s’élevait le jeu de paume des Mestayers où la troupe de Molière ouvrit en décembre 1643 l’Illustre-Théâtre”. Molière fonde ici sa première troupe, à l’âge de 21 ans… Et il ne lésine pas sur les moyens : costumes luxueux, plusieurs musiciens et dix comédiens ! Le succès se doit d’être au rendez-vous mais c’est la ruine qu’il rencontre : à peine deux ans plus tard, Molière est brièvement emprisonné à la prison du Châtelet pour impayés. Il parcourt ensuite pendant douze ans les provinces du royaume et écrit de nombreuses farces, qui obtiennent un vif succès… Le rire devient son arme : Molière critique et condamne ses personnages par une caricature extrême, les rendant ridicules. La compagnie est même qualifiée de “meilleure troupe de campagne du royaume”, véritable présage de la renommée qui l’attend lorsqu’il reviendra à Paris !

 

Continuez jusqu’au quai de Conti (à traverser avec vigilance !) et rejoignez ensuite à droite la piste cyclable. Traversez le Pont-Neuf et longez la Samaritaine, rue de la Monnaie. Tournez à gauche sur la piste cyclable de la rue de Rivoli, puis à gauche, rue Perrault, puis à droite rue du Louvre. Vous êtes arrivé.e rue de l’Amiral de Coligny ? Profitez de ce point de vue pour regarder la Colonnade du Louvre.

 

Une entrée fracassante dans la Cour des Grands à l’Hôtel du Petit Bourbon

© Colonnades du Louvre, photo sur flickr de Pierre-Selim

 

Avant que cette colonnade aux armoiries de Louis XIV ne soit construite en 1660, se trouvait là le théâtre de l’hôtel du Petit-Bourbon. Il fut la première étape du succès de Molière à Paris à son retour en 1658 : après avoir séduit la province, l’auteur de L’Avare s’attaque à la capitale et au roi.

Hélas : la représentation de la comédie dramatique Le Dépit Amoureux arrache un bâillement à ce dernier. Molière joue alors Le Docteur Amoureux, une comédie qui reprend les codes de la farce… Mission réussie : la pièce séduit tellement Louis XIV qu’il lui accorde la salle du Petit Bourbon pour ses représentations ! La troupe de Molière s’y produit en alternance avec Scaramouche et les comédiens de la fameuse Commedia dell’Arte. On nous souffle que c’est même ici que Molière perfectionna son jeu d’acteur, en suivant les techniques de Tiberio Fiorillin, référence du comique italien de l’époque…

 

Remontez la rue de l’Amiral de Coligny, traversez la rue de Rivoli, puis prenez à droite, rue Bailleul. Ensuite tournez à gauche, rue de l’Arbre-Sec et à gauche rue Saint-Honoré, jusqu’à l’actuel n°96, à l’angle avec la rue Sauval.

 

Un homme de théâtre, de la naissance à sa mort… Malgré lui

© Plaque au n°96 rue Saint-Honoré, Paris (1er arrond.). Emplacement de la maison de naissance de Molière (Anciennement Maison aux Singes, détruite), photo de Siren-Com sur Wikicommons.

 

Molière naît au sein d’une famille de riches bourgeois ; son père est tapissier et valet de chambre du roi. Sans surprise pour l’époque, il souhaite voir son fils marcher sur ses traces… Et heureusement pour nous, son destin fut tout autre !

Deux demeures parisiennes se targuent d’avoir accueilli ses premiers cris : observons la première, ce fameux « pavillon des singes ». La décoration de la maison représente des fruits cueillis par des primates : joli clin d’œil du destin quand on sait que ces derniers sont un des symboles de la comédie et apparaissent sur les armoiries de Molière. N’étant pas noble, celles-ci sont d’ailleurs purement fantaisistes ! Apposée en 1802, la plaque de cette maison témoigne de la notoriété ininterrompue de Molière au fil des siècles… Suivez-nous pour découvrir l’autre demeure qui revendique également être son lieu de naissance.

 

Remontez sur quelques mètres la rue Saint-Honoré en direction de l’est, jusqu’à prendre la troisième gauche, rue du Pont-Neuf.

© 31, rue du Pont-Neuf, Paris, 1er arr., l’hommage erroné à Molière, photo de Tangopaso sur Wikicommons.

 

Il faut croire que Molière est un véritable atout marketing : une nouvelle plaque atteste ici que c’est là qu’il vit le jour ! Quelque chose vous tracasse avec cette inscription ? Bien vu, elle se trompe de deux ans sur l’année de naissance de Molière et lui fait don d’une particule, attribut de la noblesse. Après une investigation scrupuleuse dans les années 1820 par Louis-François Beffara, commissaire de police à la retraite, il s’agit bien ici d’une erreur. A votre avis coup de pub ou honnête malentendu ?

 

Continuez la rue du Pont-Neuf qui se transforme en rue du Berger. Après le virage à gauche, entrez dans le jardin Nelson Mandela des Halles. Respectez les piétons qui sont prioritaires. Continuez à gauche allée Baltard, puis contournez la Bourse du commerce. Traversez la rue du Louvre pour continuer tout droit rue du Colonel Driant. Tournez à gauche rue de Valois. Passez devant la place de Valois, située sur votre gauche. Vous trouverez ensuite une entrée sur la cour d’honneur et les colonnes de Buren.

Mettez pied à terre pour entrer dans le Palais Royal.

 

 Le Palais Royal, la consécration

© Palais royal, les colonnes de Buren, photo de Zairon sur Wikicommons.

 

Le théâtre du Petit Bourbon est détruit… Mais Louis XIV apprécie tellement Molière qu’il lui confie le théâtre du Palais Royal en 1660 ! Il s’y produira avec sa troupe jusqu’à son décès en 1673. Ici, Molière connaîtra différentes déconvenues : Tartuffe, contant l’histoire d’un faux dévot opportuniste, y sera censuré pendant un an à la demande de l’église. L’Avare, adoré aujourd’hui, est conspué car la pièce est en prose et non en vers : elle sera même arrêtée au bout de dix représentations ! Enfin, Le Malade Imaginaire, où Molière joue l’hypocondriaque Argan, sera sa dernière pièce : atteint d’une bronchite qui dégénère en pneumonie, il finira la quatrième représentation en crachant du sang…

 

Revenez rue de Valois, prenez à gauche cette rue jusqu’à remonter après le virage rue Vivienne qui se trouvera sur votre droite. Tournez directement à gauche, rue des Petits-Champs et encore à gauche, rue de Richelieu. Allez jusqu’à la fontaine, place Mireille.

 

La Fontaine Molière, hommage à un des plus grands…

© Fontaine Molière, 1er arrondissement, photo de Tangopaso sur Wikicommons.

 

Observez la statue de Molière, le représentant plume à la main en plein travail, ce n’est pas un hasard si elle est située rue Richelieu ! L’artiste habitait alors là où se trouve l’actuel numéro 40. Après la représentation du Malade Imaginaire, sa troupe le ramène d’urgence à son domicile depuis le Palais Royal, sur son fauteuil d’Argan. Il décède chez lui, contrairement à la rumeur qui lui prête ses derniers instants sur scène. Aucun prêtre ne se déplace pour lui donner l’extrême onction, le condamnant à la fosse commune. À l’époque, il fallait renoncer à sa profession de comédien pour pouvoir bénéficier d’obsèques religieuses. Mais le favori du roi ne pouvait terminer ainsi ; Molière est enterré de nuit le 21 février dans le cimetière de la chapelle Saint-Joseph. Par la suite, sa dépouille connaîtra encore quelques voyages, si bien qu’on ne sait pas avec certitude si ses restes reposent dans les catacombes parisiennes ou bel et bien sous sa tombe officielle au cimetière du Père Lachaise …

 

Continuez tout droit rue de Richelieu jusqu’à la place Colette.

 

… Confirmé par La Comédie Française

© La Comédie Française, Paris 1er, photo d’Arthur Weidmann sur Wikicommons

 

Molière marque tellement les esprits qu’il faudra attendre seulement quelques années après sa mort pour que le roi exige la création de la Comédie Française, fusion de la troupe de Molière avec celle de l’Hôtel de Bourgogne. A peine devant le théâtre, sur l’un des murs de la façade, vous pouvez admirer un médaillon[1] représentant le profil de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Aujourd’hui encore, le sacro-saint lieu pour les comédiens garde précieusement les reliques du maître français : son fauteuil, un coffre, son bonnet, sa montre… ainsi qu’un morceau de sa mâchoire ! Les résidents, quant à eux, célèbrent l’auteur disparu tous les ans depuis le 15 janvier 1822, en lui rendant hommage pour la journée avec des concours et des animations.

Mais au fait, pourquoi le jeune Jean-Baptiste Poquelin choisit en 1644 ce pseudonyme ? Le mystère reste aujourd’hui complet : est-ce pour rendre hommage au musicien et danseur Louis de Mollier ou à l’écrivain libertin Molière d’Essertine ? L’hypothèse la plus probable se fonde sur la tradition qui voulait alors que les comédiens se choisissent un pseudonyme faisant référence à des fiefs imaginaires, tous champêtres. Et des dizaines de villages français à l’époque s’appelaient “molière” pour désigner les carrières de pierres à meule. Clin d’œil à la future renommée que le comédien rencontra d’abord en province ?

Prenez à gauche la rue Saint-Honoré, passez devant le Conseil d’Etat. Vous trouverez, après avoir passé deux rues sur votre gauche, la station n°1013 Place du Palais Royal. Il est temps maintenant de vous rendre au théâtre ou de vous plonger dans un de ses classiques !

 

[1] Portrait sculpté dans un cadre circulaire ou ovale, définition du dictionnaire Le Robert.