Depuis cette année, à certains carrefours situés dans les zones 30, les cyclistes sont autorisés, sous certaines conditions, à passer au feu rouge pour aller à droite ou tout droit : c’est le cédez-le passage cycliste.
Pour éviter toute confusion, une signalisation spécifique (feux cyclistes et panonceaux) distingue les carrefours concernés des autres, où il est toujours formellement interdit de griller le feu rouge… Explications avec Alain Boulanger, de l’Agence de la mobilité de la Division de la voirie et des déplacements.
Pourquoi mettre en place ce « cédez-le-passage cycliste » ?
Alain : C’est une revendication ancienne des associations cyclistes. Cela existe déjà dans certains pays européens et c’est l’une des mesures prises dans le cadre du programme national en faveur du vélo. En novembre 2010, un décret a intégré dans le code de la route la possibilité pour les maires, en accord avec les préfectures de police, de mettre en place ce que l’on appelle souvent le « tourne à droite » cycliste. Il s’agit plutôt d’un « cédez-le-passage cycliste », piétons et véhicules engagés demeurant prioritaires. Le décret d’application permettant aux maires volontaires de mettre en œuvre cette mesure n’a été publié qu’en janvier 2012.
La Ville a par ailleurs d’abord souhaité réaliser une expérimentation. Simplement parce que certains carrefours parisiens sont complexes et la circulation plus importante que dans les villes qui avaient déjà testé ce dispositif, comme Nantes ou Bordeaux. Une expérimentation a ainsi été réalisée dans le 10ème arrondissement en mai 2012 sur cinq carrefours. Elle nous a permis de voir comment étaient compris les panonceaux et quels carrefours pouvaient ainsi être équipés.
Quels sont donc les carrefours concernés et les règles à respecter ?
Alain : Les carrefours concernés sont toujours signalés par des panonceaux spécifiques. Une flèche précise au cycliste dans quelle direction il peut passer, en fonction de la configuration type du carrefour.
Rappelons la règle du « cédez-le-passage cycliste au feu rouge »
aux carrefours en X,
le cycliste a la possibilité de tourner à droite sans attendre au feu rouge ;
à certains carrefours en T, le cycliste a la possibilité d’aller « tout droit »
1 100 panonceaux ont été posés aux feux ; ce sont ainsi environ 350 carrefours qui ont été équipés progressivement depuis janvier 2013.
Avant de décider d’instaurer un cédez-le-passage cycliste à un carrefour, on regarde au cas par cas toutes les possibilités de déplacement et on évalue les scénarios possibles, les dangers potentiels. Si on pense qu’un cédez-le-passage n’est pas souhaitable, on ne le met pas en place. Tous les carrefours équipés le sont en accord avec la Préfecture de police et la RATP.
Le premier critère est la bonne lecture du panonceau pour les cyclistes : il ne doit pas être source de confusion. Nous avons constaté pendant les tests que de nombreux cyclistes comprenaient qu’ils pouvaient indifféremment tourner dans la première ou deuxième rue sur la droite. Or dans le code de la route, tout panneau ne vaut que pour la 1ère à droite. Et si le cédez-le-passage ne crée pas de problème quand on emprunte la 1ère à droite, on peut être exposé à un conflit en tournant dans la 2ème rue. Nous avons donc décidé de ne pas mettre en place le cédez-le-passage cycliste pour ces carrefours à deux embranchements à droite.
L’autre configuration qui nous a fait écarter certains carrefours du dispositif est celle du rétrécissement des voies qui peut générer des conflits et des problèmes de respect des distances de sécurité et de visibilité.
Enfin pour les cyclistes la règle à respecter est de cédez-le-passage : les piétons et les autres véhicules engagés sont prioritaires. Lors de l’expérimentation, nous nous sommes aperçus que certains cyclistes pensaient avoir la priorité sur les piétons qui traversent or c’est exactement l’inverse.
Quels sont les premiers retours ?
Alain : Les retours se limitent à ceux que l’on peut recueillir ponctuellement mais les cyclistes sont ravis. C’était déjà quelque chose que certains avaient tendance à faire aux carrefours où ils estimaient qu’il n’y avait pas de danger. Le fait d’être en quelque sorte légitimé leur fait plaisir. Et pour tous ceux qui respectaient les feux c’est encore plus apprécié. À chaque fois que l’on s’arrête à vélo il faut déployer de l’énergie musculaire pour repartir. Ne pas s’arrêter à ces carrefours est une économie d’énergie et un gain de temps. Cela fait partie des mesures sensées développer l’usage du vélo.
Le dispositif pourrait-il être étendu à d’autres carrefours ?
Alain : oui c’est une possibilité puisque le code de la route permet de mettre en place le cédez-le-passage partout dans la ville. Pour l’instant le choix a été de ne le mettre en place que dans les zones limitées à 30 km/h mais il pourrait être étendu. Certains maires d’arrondissement sont d’ailleurs très demandeurs et ont participé aux réflexions sur les carrefours à équiper.
L’autre évolution possible, mais qui suppose un nouveau changement du code de la route, est le cas des passages piétons dits en section courante. Il s’agit de ces feux installés non pas parce qu’il y a une intersection, mais pour permettre aux piétons de traverser plus facilement qu’avec un simple passage piéton. C’est le cas sur les grands boulevards par exemple. Le cédez-le-passage pour aller tout droit fonctionnerait très bien. Mais il faudrait pour cela que le Code de la route intègre cette possibilité…
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