Montreuil, les industries oubliées

Cher.e.s Vélibeur.se.s, cette fois-ci nous vous invitons à découvrir Montreuil, ville aux mille visages qui présente un impressionnant patrimoine industriel, un passé agricole méconnu, et de nombreux producteurs et artisans locaux qui contribuent, aujourd’hui, à son dynamisme.

 

Une seule balade ne suffit pas car Montreuil est une ville plus ancienne qu’il n’y paraît : on y a retrouvé les vestiges d’une occupation mérovingienne, mais aussi des outils datant de la période néolithique près du quartier de La Noue !

Au Moyen-Age, sa position proche de Paris et une topographie en hauteur lui permettant d’alimenter le château de Vincennes en eau, garantissent à la ville de Montreuil une importance particulière. De nombreux seigneurs et religieux s’y installent et Montreuil est alors entourée de terres cultivées.

Avec la révolution industrielle, la banlieue parisienne se transforme au tournant de la seconde moitié du 19e siècle. Là où les villes de la plaine nord de Paris (Saint-Denis, Aubervilliers…) accueillent des industries lourdes et de grands ensembles industriels. Montreuil, privée de chemins de fer et de canaux à cause de son relief plus escarpé, accueille plutôt des artisans dont l’activité ne nécessite pas de grands volumes de transports, mais qui cherchent tout de même la proximité de la capitale.

Ce tissu industriel dense sera malheureusement victime de la mécanisation et de la délocalisation post Seconde Guerre mondiale, entraînant la fermeture de nombreuses entreprises et l’abandon de leurs locaux. Mais ce changement posera les bases de la transformation de Montreuil en ce qu’elle est actuellement : des bâtiments industriels reconvertis en lieux culturels proches de Paris, et des espaces libérés pour la construction de logements sociaux amenant la grande diversité de sa population. Une sorte de Brooklyn à la française.

Montreuil présente une succession d’histoires préservées dans ses murs et dans ses rues polychromes. Cette balade vous offre des repères pour vous guider dans leur découverte.

Nous vous proposons 7 étapes pour profiter des spots atypiques qui font de Montreuil une des communes les plus vivantes de la métropole.

Départ : station Vélib’ Paris-Laitières juste à côté du périph. Enfourchons nos Vélib’ et aventurons-nous dans les petites rues qui s’entrecroisent dans la ville.

L’ancienne Société Parisienne de Tranchage et de Déroulage

1) L’ancienne Société Parisienne de Tranchage et de Déroulage

Hélas il n’en reste que la porte mais son histoire est très intéressante.

Elle commence en 1871, quand s’installe la scierie Cavillet qui utilise des bois exotiques  (acajou, sycomore…) pour les transformer en matériaux exportables, fines tranches de contreplaqués ou différents objets comme des roues. Le site emploie jusqu’à 250 personnes en 1950 et vit en synergie avec les nombreux artisans du bois présents dans le quartier.

A partir des années 50 le déclin général du secteur industriel montreuillois n’épargne pas cette usine qui cesse définitivement son activité en 2001.  Le bâtiment est ensuite détruit/transformé pour accueillir en majorité des agences d’état, mais également des entreprises.

A noter, la statue ‘Asymptote’ d’Antoine Petel mesurant 35m (!), dernier lien entre l’ancien (avec sa forme de cheminée industrielle) et le moderne (thème d’atome et de brin d’ADN).

L’ancienne boutique et fabrique des pianos Klein

Fondée en Alsace par Joseph Klein en 1791, l’entreprise Klein s’installe ici en 1872. A son apogée, il y a un siècle, l’entreprise fabriquait 1500 pianos par an et comptait 150 employés.

Aujourd’hui les chiffres ne sont plus les mêmes mais cette institution musicale continue à produire des pianos Made in Montreuil. L’atelier actuel se trouve proche de notre premier arrêt, et le grand showroom est devenu un café très lumineux aux allures londoniennes.

Fierté montreuilloise : les Pianos Klein sont la plus ancienne marque mondiale de pianos dirigée par les descendants directs du fondateur depuis 7 générations. Actuellement c’est Aymeric Klein qui dirige l’Atelier.

Aciéroid, la cathédrale dans le désert

3) Aciéroid, la cathédrale dans le désert

Quelques coups de pédale après, l’atmosphère se fait plus sombre, presque apocalyptique.  On passe d’une usine qui résiste et qui a su s’adapter aux changements à une qui n’a pas survécu : Aciéroid.

Une énorme carcasse dans un terrain vague, voilà ce qui reste de l’ancienne plâtrière qui transformait le gypse extrait de la carrière Morel en plâtre. Un squelette qui veille sur la rue de Paris comme un rappel inquiétant du passage de temps.

Le Château d’eau de l’ancienne usine Pernod

Impossible de tomber par hasard sur ce lieu caché au 87 rue de Paris. Après avoir poussé la porte d’entrée d’un immeuble anonyme et pénétré dans la cour, on se retrouve face à face avec le Château d’eau de l’ancienne usine Pernod.

Et oui… Une usine dans une cour, ça c’est Montreuil.

En 1872, Ariste Hémard un cultivateur d’Eure-et-Loir, monte à Paris pour se reconvertir et achète une ancienne distillerie pour y produire des liqueurs : absinthe, gentiane, et plus tard le fameux Pernod (l’apéritif anisé).

Nous nous laissons aller à imaginer que le protagoniste de la célèbre peinture de Degas « L’absinthe » buvait de la liqueur produite ici, qui sait ?

Le site fermera en 1974 et dans les années 90 les bâtiments subsistants seront reconvertis en ateliers, bureaux et logements sociaux.

L’espace Albatros

Espace Albatros, Montreuil

Une fois quittée la rue de Paris, la Montreuil industrielle laisse place à la Montreuil villageoise, calme et silencieuse. Des petites maisons colorent les trottoirs, des bars accueillent la clientèle habituelle au comptoir.

Mais à Montreuil, vous l’avez compris désormais, les apparences sont trompeuses.

Rue du Sergent Bobillot une énorme fresque à l’image de Michaël Chemla couvre la façade de l’espace Albatros (la bonne adresse pour des soirées alternatives). Un endroit qui a vécu pas mal de vies.

Construit en 1904 pour assurer la production croissante de films pour Pathé (à l’époque le plus grand producteur du monde), les studios Pathé – Albatros vont sortir des milliers de films et d’actualités pendant l’âge d’or du cinéma muet. Sur ses plateaux on pouvait croiser Jean Renoir, Abel Gance, Jean Epstein…

L’arrivée du cinéma parlant met brusquement fin à la carrière de cet espace, abandonné par Pathé en 1927. Il est ensuite revendu à une entreprise de métallurgie avant d’être repris en 2002 par la famille Chemla qui en a fait un espace pluridisciplinaire (école d’acteurs, théâtre…) pour honorer la mémoire de leur fils Michaël, acteur et metteur en scène.

Murs à pêches

Des pêches à Montreuil ? Pourquoi ?

Et oui, même si ça peut paraître bizarre, dès le 17e siècle furent créées à Montreuil, des cultures de pêchers en espaliers, palissés sur des murs, appelés murs à pêches. Les murs en plâtre (venu des carrières locales) retenaient la chaleur du soleil et la restituaient, produisant un microclimat supérieur de 8 à 12 degrés et permettant ainsi de cultiver des fruits traditionnellement trouvés beaucoup plus au Sud — et notamment la pêche.

Comme quoi l’agriculture urbaine n’est pas une invention du XXIe siècle !

Malheureusement ces pêches, très populaires au 19e siècle, ne pourront pas faire concurrence à l’arrivée dans les années 1880 des chemins de fer et des fruits venus du Midi, beaucoup moins chers à produire… Seuls une quinzaine de kilomètres sur les 600 originaux subsistent – mais des associations se démènent afin de les sauvegarder et de les cultiver (entrée libre les dimanches après-midi, horaires à vérifier auprès de l’association).

Montreuil Zone Industrielle Nord ou plus simplement Mozinor

7) Toit zone industrielle Mozinor

À la fin des années 60, face à l’évolution du secteur industriel et au début des délocalisations, Montreuil crée la première zone industrielle « verticale » de France, afin d’exploiter la proximité de la ville à Paris. Construite sur une dérivation autoroutière, ses 42 000m2 de locaux d’activités construits sur trois hectares de terrain sont directement accessibles par une double rampe centrale permettant aux véhicules entrants et sortants de ne jamais se croiser. Ouvert en 1975, le projet initial ne sera pas poursuivi et suite à la crise, les bâtiments seront laissés quasiment à l’abandon. Mozinor accueillera alors dans les années 80 et 90 les premières raves parties. A Montreuil on trouve toujours une solution !

Aujourd’hui Mozinor est presque complètement occupé, il accueille des fabricants, entrepôts et même un studio de musique.

N’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil à son toit végétalisé et profitez-en pour vous lancer dans quelques clichés de photographie urbaine (une valeur sûre pour votre Insta 😉)

La fin de la balade, toute en descente, nous ramène jusqu’à la Place Jean Jaurès où nous pouvons déposer les Vélib’ à la station Mairie de Montreuil.

Maintenant il ne vous reste qu’à monter en selle !