Les temps modernes à Pantin

Charlie Chaplin aurait pu tourner son chef-d’œuvre à Pantin : la ville regorge d’industries oubliées, souvenirs de son âge d’or, lors de la deuxième vague d’industrialisation du nord-est de Paris. Avec ou sans chapeau melon, suivez-nous à vélo et faites un bond en plein « Temps modernes » pour plonger au cœur des industries pantinoises !

 

Station de départ : Station n° 35008 Place de l’Église – Pantin

Station d’arrivée : Station n°35014 Charles de Gaulle – Jean Lolive

Distance parcourue : env. 6 km

Durée de la balade : env. 1h30. Ce parcours en ville emprunte des voies partagées avec les bus et les taxis, essayez d’éviter les heures de pointe !

 

En route vers la cité Théophile Leducq !

© Pavillons Leducq, Pantin, cartes postales anciennes sur Wikicommons

 

Prenez la piste cyclable (attention au bus qui peut arriver à cet angle) de l’avenue Jean-Lolive. Vous trouverez l’entrée du parc de la Manufacture des Tabacs sur votre droite à quelques mètres. Cette ancienne usine de cigarettes implantée en 1876 durant la première vague d’industrialisation ferme en 1982, se transforme en bureaux puis en parc, dont chacun.e peut profiter aujourd’hui. Continuez avenue Jean Lolive pour prendre la première à droite, rue Courtois et prenez à gauche rue du Docteur Pellat jusqu’au numéro 3.

 

Vous voici devant la première crèche publique de la ville, ouverte par la municipalité à l’époque pour les ouvrières de la Manufacture des Tabacs. Leurs horaires étaient alors de 5 h 30 du matin à 20 h le soir… On imagine leur rythme de travail ! Revenez sur vos pas rue Coutois puis prenez la première à droite, la piste cyclable de la rue Jean Nicot. La rue à gauche qui suit est celle de la Cité Théophile Leducq, vous voilà à bon port.

 

Théophile Leducq était blanchisseur et l’un des plus grands employeurs de Pantin : il fit construire pour ses employé.e.s ces logements sociaux qui s’inspirent des corons[1] du Nord de la France et des lotissements des ouvriers anglais avec cette brique rouge si caractéristique. Observez les cinq pavillons : chacun est orné d’un motif différent, ce qui permettait de distinguer chaque pavillon patronal.

 

Délaissons les ouvriers pour mettre la main à la pâte, direction les Moulins de Pantin.

 

 

Les grands moulins alsaciens à Pantin

©Le Canal de l’Ourq et les Moulins de Pantin, cartes postales anciennes sur Wikicommons

 

Au bout de la rue Théophile Leducq, prenez à droite la piste cyclable rue Charles Auray, puis prenez à gauche toujours sur piste cyclable sur l’avenue du 8 mai 1945. Au bout, tournez à droite, rue Jules Auffret. Au carrefour, tournez à gauche sur la piste cyclable de l’avenue Jean Lolive.

Prenez ensuite à droite la piste cyclable de la rue Etienne Marcel. Elle vous mène jusqu’aux berges du canal : prenez celle de gauche. Passez sous le pont de la Mairie. Vous arrivez à la passerelle du tramway avec un couloir pour les cyclistes et piétons. Prenez le pont du canal de l’Ourcq. Au centre, admirez la vue sur les Grands Moulins de Pantin.

 

Si les berges du canal sont un emplacement stratégique pour les usines en raison de l’accès privilégié qu’elles offrent pour le transport fluvial des marchandises, leur localisation aux portes de Paris ainsi que les voies ferrées et routières qui les bordent sont autant d’accès supplémentaires pour en faire une plateforme d’échanges importante.

Observez la hauteur des bâtiments : ils abritaient de grandes machines inspirées des traditionnels moulins alsaciens, et produisaient au plus fort de leur activité jusqu’à 190 000 tonnes de farine. Après avoir été bombardés durant la Seconde Guerre mondiale, les bâtiments furent partiellement reconstruits par l’architecte Léon Bailly qui les transforme en semoulerie. Les activités de meunerie sont définitivement abandonnées au début des années 2000, le site est vendu puis reconverti en espace pour bureaux, occupés aujourd’hui encore par un réseau bancaire. Le quartier est alors repensé de la même manière qu’à l’époque : on propose aux employés de multiples services : cafétérias, cabinet médical, médiathèque, salle de sport, patios, jardins… tout pour leur faciliter la vie !

 

Continuez tout droit après le pont pour faire le tour des Grands Moulins puis prenez à droite la rue du Débarcadère. Prenez la première à droite, jusqu’au 6, 7 et 9 de la rue du Général Compans : il est temps désormais d’aller faire un tour chez les blanchisseurs.

 

 

La blanchisserie Elis et les logements

©Le Canal de l’Ourq et les Moulin, Patrick Charpiat, Wikicommons

 

Vous voilà désormais en plein cœur du quartier des blanchisseurs. Car si l’entretien du linge (lessivage, blanchissage, repassage) est l’une des activités industrielles les plus anciennes de la région parisienne, l’insalubrité qui règne à Paris alors contraint ces corps de métier à s’installer en banlieue, à Boulogne ou le long de la Bièvre, par exemple. Théophile Leducq choisit quant à lui la ville de Pantin car l’eau de la nappe phréatique, peu profonde, y est chaude et douce. Il y trouve également les matières premières indispensables à son affaire grâce aux voisins savonniers, fabricants de lessive ou encore d’eau de Javel.

Théophile Leducq développe d’abord son entreprise en investissant dans une nouvelle méthode de laver le linge de manière industrielle : le coulage à la vapeur et l’essorage à la force centrifuge. En parallèle, il propose des services commerciaux innovants comme la location de linge à de grands établissements (hôtels, bouchers, coiffeurs, restaurants) et plus tard le lavage au poids, initié par Leducq Fils. Seule la démocratisation de la machine à laver finit par freiner la croissance de l’entreprise.

Observez les immeubles du n°6, 7 et 9 de la rue du Général Compans. Au-dessus du n°7 sont gravées les initiales de Maurice, fils de Théophile Leducq. C’est ce dernier qui fit construire ces bâtiments pour les ouvriers : la meulière abritait la blanchisserie, tandis que les immeubles de brique accueillaient les habitations des employés.

 

Mais laissons là les bacs des blanchisseurs pour découvrir un autre célèbre bassin de la ville de Pantin.

 

 

Entre jus de parfums et eaux chlorées à Pantin

©Piscine de Pantin, Parisette, Wikicommons

 

Prenez à gauche à l’angle de la terrasse du restaurant la petite ruelle “mail de la blanchisserie” pour rejoindre l’avenue Edouard Vaillant, puis traversez le carrefour, idéalement à pied aux feux piétons. Prenez en face l’avenue de la gare. Passez devant la gare, puis tournez à droite pour continuer de longer le parc rue Sadi Carnot. Traversez le carrefour de l’avenue du Général Leclerc avec vigilance pour prendre la piste cyclable à gauche. Arrêtez-vous au niveau du numéro 49 sur l’avenue.

 

Observez ces deux bâtiments typiques des années 30 : l’une est l’ancienne usine de traitement des eaux, l’autre la piscine de Pantin. Toutes les deux ont été conçues par le même tandem architecte-ingénieur, l’architecte débutant Charles Auray, fils du maire de Pantin de l’époque et l’ingénieur expérimenté de la compagnie générale des eaux Jean Molinié. La piscine est novatrice pour l’époque, car la France de l’entre-deux guerres en est alors très peu dotée, contrairement avec ses voisins anglo-saxons par exemple. Paris et sa banlieue sont parmi les premières à en faire construire, et ici la proximité de l’usine de traitement des eaux fournit un emplacement idéal pour une piscine avec une eau à 26°C. L’usine fut ainsi inaugurée en 1935, tandis que la piscine le sera en 1937.

 

Passons désormais à des effluves plus agréables encore.

 

En bas de la descente, juste avant le tunnel, prenez la piste cyclable à droite pour remonter la rue Delizy. Le bâtiment bleu clair avec la grosse horloge, qui fait l’angle en face, est l’ancienne usine Bourjois.

Il s’agit là du dernier représentant d’une activité autrefois répandue à Pantin, celle de la parfumerie. En 1889, l’entreprise parisienne Bourjois rachète le site de Wertheimer, déjà dédié aux parfums et savons. En 1891, le site s’agrandit en abandonnant la production artisanale pour devenir un centre industriel de fabrication pour divers produits d’hygiène : parfums, savons, crèmes… En 1928, Ernest Beaux y crée le parfum “Soir de Paris”, qui fut un succès mondial. Le parfum entame en effet sa mue de produit de luxe pour se démocratiser.

Depuis 2007, la production s’est arrêtée mais Chanel y a implanté son usine de recherche et de développement ! La magie ne s’arrête donc jamais…

 

 

Les magasins généraux de Pantin

©Magasins Généraux, Hervé Abbadie, Wikicommons

 

Descendez la rue Delizy, vous traverserez le canal de l’Ourq. Prenez la première à droite au feu, rue Victor Hugo, jusqu’au numéro 39. Passez les grilles ouvertes et traversez avec vigilance (les vélos sont tolérés à allure réduite) l’ancienne manufacture Louis, vous retrouverez les berges du canal à l’autre bout ! Prenez à droite sur les berges jusqu’à la place de la Pointe où se dressent les Magasins généraux (Dock B).

 

Ouvert en 1822, le canal de l’Ourcq devient très vite un emplacement stratégique pour l’industrie. En 1899, la Chambre de commerce de Paris y imagine « des magasins appropriés à chaque nature de marchandises. La situation permettrait de faire arriver bateaux et wagons sans remplir aucune formalité d’octroi et d’effectuer de même les réexpéditions pour le dehors sans que la Ville de Paris puisse craindre aucune fraude. Ce serait, si l’on admet cette expression, un grand bassin de triage ».

Ces Magasins Généraux, à l’allure de paquebots, ont stocké essentiellement des grains et de la farine, venus par le canal. Devenus ensuite terrain de jeu des graffeurs, ils sont aujourd’hui les locaux d’une grande agence de publicité

 

Pour rejoindre la station Vélib’ d’arrivée, prenez, en veillant à ne pas gêner les piétons, le passage de la Dune, directement à droite des Magasins Généraux en redescendant vers l’avenue Jean Lolive. Vous vous retrouvez… devant le parc de la Manufacture des Tabacs ! La boucle est presque bouclée, suivez l’avenue Jean Lolive sur votre droite jusqu’à la station Vélib’ Charles de Gaulle – Jean Lolive (il n’est pas nécessaire de traverser l’avenue pour retourner à la station de départ).

[1] « Groupe de maisons ouvrières dans les régions minières du Nord. » Dictionnaire Larousse.