Une étude publiée en décembre 2013 s’est penchée sur l’intérêt de promouvoir en France le vélo pour les déplacements domicile – travail dans l’hypothèse où une indemnité kilométrique serait mise en place. Bilan : quel que soit le scénario de développement examiné, les résultats sont bénéfiques en termes d’impact sur la santé, sur l’Environnement et même en termes d’économies réalisées.
La Coordination Interministérielle pour le Développement de l’Usage du Vélo (CIDUV), qui réfléchit aux mesures d’incitation fiscales à même de multiplier l’usage du vélo pour se rendre au travail, a souhaité qu’on étudie, à l’échelon national, à la fois les bénéfices (bienfaits de l’activité physique, réduction de la pollution, des gaz à effet de serre) et les risques (exposition individuelle à la pollution, aux accidents) liés à un tel développement. Première remarque, l’idée qu’on aille au boulot en vélo en France n’est pas farfelue, contrairement à ce que l’on imagine.
Le trajet moyen à réaliser n’est que de 3,5km
Les déplacements domicile-travail sont en moyenne de 3,5km par trajet et, plus généralement, près de la moitié des déplacements en France, tous modes et motifs confondus, font moins de 4 km. Pour la voiture, ce sont 37% des déplacements qui font moins de 4km ! Pour donner un ordre de grandeur, la rue de Vaugirard, la plus longue de Paris, mesure 4,3 km… Des distances facilement réalisables en vélo par tout un chacun si tant est qu’on ait des routes et rues qui s’y prêtent.
Pour tout français qui va au travail à vélo au lieu d’utiliser les transports ou un véhicule motorisé, l’étude suppose qu’il réalisera 200 jours par an deux trajets de 3,5km (un aller et un retour) soit 1400 km annuels (ça motive, non ?). Plusieurs scénarios ont alors été détaillés en fonction de l’augmentation envisageable de la pratique du vélo pour aller au boulot mais aussi des reports modaux (quel mode de déplacement est abandonné au profit du vélo) et des types de territoires (zone urbaine, périurbaine ou rurale). Les scénarios envisagés sont jugés réalistes car « ils ne requièrent pas un « effort » individuel conséquent puisqu’ils sont fondés sur des distances à parcourir identiques à celles constatées aujourd’hui » soulignent les auteurs.
Des scénarios « réalistes »
On estime que la part modale des déplacements domicile-travail à vélo pour 2014 sera de 2,4% en France si rien de plus n’est fait nationalement pour inciter à développer cette pratique. En supposant qu’une incitation soit mise en place, le scénario bas pose le principe de 25% d’augmentation soit une part modale passant de 2,4 à 3%. Cela représenterait 200 millions de kilomètres supplémentaires parcourus à vélo et 143 000 nouveaux cyclistes « navetteurs », entendez qui font la navette pour aller et repartir du travail. Le scénario médian suppose 50% d’augmentation de la part modale soit 3,6%, 400 000 millions de km et 286 000 « navetteurs » supplémentaires. Le scénario haut est plus ambitieux et suppose une augmentation de 100%, c’est-à-dire un doublement de la part modale pour atteindre 4,8% soit 800 millions de kilomètres et 572 000 nouveaux « navetteurs ».
Le vélo, bon pour la santé
Quel que soit le scénario, il y a un « bénéfice très important essentiellement dû aux bénéfices de l’activité physique qui l’emportent largement, à la fois sur les autres bénéfices et sur l’ensemble des risques » concluent les auteurs. Si on ne prend que le scénario médian, 149 décès anticipés seraient évités contre 5 décès supplémentaires qui pourraient être attribués à la pratique du vélo. La mortalité évitée est trente fois plus importante ! Et je rappelle que les 5 décès supplémentaires de cyclistes estimés sont à rapporter aux 286 000 « navetteurs » supplémentaires. De quoi donner envie d’aller au boulot à vélo !
Bien sûr, on peut dire que ce bénéfice santé du vélo existerait aussi avec une autre activité physique mais celle-ci a l’avantage non négligeable d’être quotidienne. « La pratique régulière du vélo permet de réduire le risque de mortalité de 28% » rappellent les auteurs… La réduction des risques est avérée et chiffrée pour les maladies cardio-vasculaires, le diabète, les cancers du sein et du colon sans compter « les effets positifs sur l’hypertension, la dépression, le surpoids et l’obésité, etc. ». Toujours avec ce scénario médian, on éviterait 263 affections de longue durée, 283 hospitalisations et plus de 185 000 personnes seraient soumises à un stress moindre en enfourchant un vélo plutôt qu’en choisissant un autre mode de déplacement pour aller bosser ! « Quel que soit le scénario, le bilan économique sanitaire est toujours positif » insistent les auteurs.
Les risques créés sont faibles
Les auteurs ont également analysé les risques de surexposition à la pollution et concluent que « ces risques sont très faibles comparés aux bénéfices de l’activité physique » avec une « augmentation du risque » de décès lié à la pollution de « 0,4% maximum contre une diminution de 28% » du risque d’un décès anticipé « grâce à l’activité physique » liée au vélo. Je rappelle par ailleurs que dans les zones urbaines, il a été prouvé que c’est dans sa voiture qu’on est le plus exposé aux pots d’échappements. Le système de ventilation aspire les gaz d’échappement qui s’accumulent dans l’habitacle…
Du côté des risques d’accidents supplémentaires, il est intéressant de noter que l’augmentation du nombre de cyclistes fait diminuer le nombre global d’accidents. En effet, le nombre « d’accidents de la route en milieu urbain dépend essentiellement du volume de circulation motorisée » notent les auteurs. Ainsi, plus les gens abandonnent un véhicule motorisé au profit du vélo, plus le nombre de victimes d’accidents, de piétons, d’automobilistes et d’usagers de deux-roues diminue. Ils précisent même que « l’étude montre une quasi-compensation » à partir de 50% d’augmentation des déplacements c’est-à-dire le scénario médian où la part modale du vélo atteint 3,6%. Autrement dit, une fois encore, l’augmentation du nombre de cycliste réduit le nombre d’accidents. Enfin sur la qualité de l’air, l’étude note que « au regard des émissions totales de gaz à effet de serre et de particules en France, les émissions évitées sont très faibles » mais ajoutent que « tout baisse des kilomètres parcourus en voiture au profit du vélo est bénéfique pour la qualité de l’air ». L’usage du vélo ne résoudra pas tout mais peut y contribuer.Et les auteurs de plaider en faveur d’une politique pro-vélo : les itinéraires cyclables continus ont « un impact immédiat sur les kilomètres parcourus ».
Réduire les inégalités
Un dernier point de l’étude m’a semblé très intéressant : « favoriser les déplacements domicile-travail à vélo, avec des choix politiques soutenus, particulièrement en termes d’incitations ou d’aménagements, permettrait de participer à la réduction des inégalités de santé ». Les ménages les moins aisés réalisent ainsi des économies sur les coûts de transport et voient leurs espérances de vie augmenter (un homme de 35 ans a 27 % de risque de mourir avant 70 ans s’il est ouvrier et 13 % s’il est cadre). C’est d’autant plus intéressant que « 16 % de la population métropolitaine déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières ». Dernier avantage, dans l’accès à l’emploi notamment, « développer des itinéraires continus cyclistes pour desservir les zones péri-urbaine ou rurale permettrait également une augmentation de l’accès à la mobilité, pour les plus jeunes en particulier ».
On peut espérer que Vélib’ y contribue encore un peu plus, à son échelle bien sûr ! Nationalement, La Coordination Interministérielle pour le Développement de l’Usage du Vélo avait rendu en décembre un autre rapport en faveur de l’instauration d’une indemnité kilométrique vélo. Si certains employeurs prennent en charge tout ou partie des abonnements Vélib’, les dispositifs financiers se limitent aujourd’hui trop souvent à une participation de l’employeur aux coûts liés à l’usage des transports en commun, de la voiture et des deux-roues motorisés.
Alors, en 2014 le Vélib’ remboursé voire prescrit par la Sécu ???